Mégalotopie est un tableau augmenté et animé, dans lequel le spectateur devient l’objet d’attention. Cette œuvre a pour but d’interroger le regard critique que l’on pose sur tout et chacun (nottament sur soi-même) souvent associé à un désir profond de reconnaissance, et parfois même peut-être à une certaine forme de mégalomanie ?
Un spectacteur dans Mégalotopie
Il s’agit d’une installation artistique dans laquelle le spectateur a le rôle principal. En entrant dans cette œuvre, vous faites partie d’un tableau augmenté et vous devenez l’objet d’attention de tous les personnages du court-métrage qui vous encense de manière caricaturale pendant un peu plus de sept minutes. Le court-métrage est lui-même écrit à partir de répliques tirées de 26 films dans lesquels un public s’extasie de manière caricaturale devant une œuvre. L’ensemble a été retravaillé pour former un crescendo de la critique positive. Il y a dans Mégalotopie une mise en abîme puisque le spectateur se retrouve aussi à son tour observé et commenté par les spectateurs (acteurs filmés) du court-métrage, et ultimement par lui-même. Le regard critique du spectateur se dirige aussi sur sa propre image intégrée dans l’œuvre, il devient un regardant regardé, et un critique critiqué.
Lien direct : Mégalotopie
La forme de l’installation, l’enchâssement des images et des temporalités, ainsi que l’effet miroir incitent à la réflexivité du spectateur. L’installation nous fait nous questionner sur nous-même, sur cette avidité que nous avons de reconnaissance et fait apparaitre aussi le côté dérisoire de ce besoin par l’humour qui se dégage. Je cherchais à créer malgré tout une œuvre qui fasse du bien, et en même temps il me tenait à cœur d’aller dans l’extrême, de pointer du doigt par l’humour et la dérision notre rapport au compliment ou à la flatterie. L’extase du public (acteurs) face à sa propre image est tellement démesurée qu’elle en devient absurde, il ne peut pas y croire et en même temps c’est justement là que se situe le message de l’œuvre pour moi. Dans un monde en perte de sens, nous avons à la fois un besoin de reconnaissance, et en même temps une gêne à recevoir, comme un manque de confiance en soi-même, qui nous amène à chercher davantage la reconnaissance auprès de l’autre.
Ainsi, aux espaces de l’œuvre se mêle l’espace du regard, du monde de soi au monde de l’œuvre. J’aspire à questionner le regard de soi sur soi-même : dans ce monde où nous jugeons, arrivons-nous à être doux et bienveillants avec nous-mêmes, à prendre soin de nous-mêmes, à nous offrir cette bienveillance, à accepter un compliment ? Pour conclure, cette reconnaissance que nous cherchons auprès des autres, ne pourrions-nous pas déjà la trouver auprès de nous-mêmes ? En faisant, par exemple, ce qu’on aime faire, en réalisant des projets qui nous motivent, en « bricolant la matière numérique », comme le dit Michel Bret pour produire des œuvres qu’on a plaisir à faire et plaisir à partager.
Spectatrice dans Mégalotopie
Finalement, ce dispositif est composé de trois espaces : premièrement, l’espace tangible qui présente la scénographie de l’œuvre et accueille le public. C’est le lieu dans lequel le spectateur est filmé, l’éclairage y est travaillé, une grande toile de fond aux motifs floraux est tendue en arrière-plan, le cadre doré visible aussi dans le film encadre l’écran de TV incrusté dans un mur en position portrait. Dès qu’on pénètre dans cet espace, on entre dans l’espace fictionnel du projet, la mise en scène et plus généralement l’ambiance permettent déjà au spectateur d’entrer dans l’univers imaginaire de l’auteur.
Il y a ensuite l’espace du court-métrage dans lequel on retrouve en vidéo le cadre doré de l’espace tangible. Ce court-métrage a été réalisé à partir d’une réécriture de scènes caricaturales sur la critique d’œuvre (généralement des tableaux) issues de 26 films ou séries. Des répliques marquantes ont été relevées, retravaillées avec les acteurs, puis assemblées pour former des dialogues plus ou moins absurdes et enfin tournées face au cadre doré. Certains passages ont été écrits directement. Toutes les répliques ont été neutralisées afin de s’adresser aussi bien à un homme qu’à une femme. L’écriture est organisée selon trois thématiques, d’abord les critiques liées à des allusions, références ou métaphores faisant appel au sentiment d’appartenance et à la famille comme « Ce n’est pas juste un portrait, c’est le portrait d’une personne chérie, aimée par ses parents ! ». Puis les discours mystiques ou religieux « C’est comme être à l’intérieur d’un rêve, ou de quelque chose où il y aurait la vérité, mais pas de logique. » ou « Je sens comme une attraction mystique ». Et enfin les répliques liées à la métaphore sexuelle « on sent déjà ce…, ce baiser qui arrive ! », ou encore « When I see a painting like this I get emotionally erect. ». Enfin, l’ensemble a été tourné puis monté pour créer une sorte de crescendo, un court-métrage qui va vers une forme d’extase ou de transe face au tableau. Or, ce tableau est, dans le dispositif final, le retour en temps réel du spectateur.
Tournage de Mégalotopie
En troisième lieu, on trouve l’espace-temps réel du spectateur filmé et intégré dans le court-métrage (dans la zone du fond vert). Il s’agit d’un retour direct capturé avec un appareil photo canon équipé d’un objectif 60 mm ce qui permet d’avoir une image visuellement travaillée, avec notamment de la profondeur de champ. Après les premiers tests, la vidéo en direct a été mise en miroir, car ça s’est avéré plus intuitif pour les utilisateurs afin de pouvoir adapter leurs mouvements et interagir avec le court-métrage.
Doublure lumière – préparation du tournage
Ce projet est réalisé avec Unity.