Je me souviens, lorsque j’étais encore enfant, j’ai eu plusieurs fois la possibilité de voir ou même de participer à des représentations artistiques (danse, théâtre, musique, cinéma, projections…) et je n’ai pu m’empêcher de constater que ces différents arts semblaient très cloisonnés. C’est du moins ce qu’il me semblait voir de mon oeil non averti. C’était comme si chaque création correspondait à des « normes artistiques », ainsi, j’observais une chanteuse en plein travail, debout, bien habillée et maquillée, toute seule sur sa scène avec son micro et deux projecteurs. Mon esprit se désespérait de ne pas voir auprès d’elle des danseurs, des décors extraordinaires, ou toute sorte de broderies éventuellement extraites d’autres arts. Puis, le temps a passé et je me suis un jour retrouvée à l’opéra devant Le lac des signes. Et là, une partie de mes souhaits secrets d’enfant fut comblée. Il y avait un orchestre, des décors, des lumières, des danseurs et par-dessus tout une histoire. Tous ces sons, ces lumières qui envahissaient nos regards étaient là dans le seul but de nous raconter quelque chose. Et même si je n’en avais pas conscience à cette époque c’est probablement lors de cette expérience qu’est née une des raisons de mon intérêt pour le cross-média aujourd’hui.
En effet, à cette époque j’avais la sensation que tout m’intéressait, je voulais tout voir, tout apprendre, quelque soit le sujet je cherchais à me documenter, à comprendre. Mais le problème c’est que, lorsqu’on s’intéresse à tout, on n’approfondit rien. Et lorsqu’on survole ainsi trop de choses, on finit par se rendre compte, fatalement, que rien ne sort du lot, que rien de précis ne nous passionne vraiment. Je me suis donc longtemps désolée sur cette carence de moi-même : ne pas avoir de passion. Autour de moi, les autres enfants étaient passionnés : passionnés d’avions, d’équitation, fan de…
J’ai donc essayé de chercher « ma passion », car j’enviais tous ces autres qui savait (ou avaient l’impression de savoir) déjà à quoi ils allaient consacrer leur vie et leur énergie, mais cette quête, pour moi, fut vaine. J’ai tenté de me fixer sur des sujets précis qui m’intéressaient parmi d’autres, mais je n’ai pu m’empêcher de papillonner d’une « passion » à une autre pour finir toujours par le même constat : je n’ai pas de « vraie passion », de passion exclusive. Pourtant, je ne me sentais ni fatiguée, ni lassée, ce n’était pas par dépit que je ne pouvais avoir « MA passion », mais au contraire, parce que je ne pouvais me restreindre à n’être fidèle qu’à une chose, qu’à un sujet. Le temps a passé et j’ai continué à voguer ainsi au fil de mes passions éphémères, j’ai appris la couture, j’ai appris à faire du feu pour forger le fer, je me suis forgé des clous et une épée (sait-on jamais ça pourrait servir un jour), j’ai appris à sculpter le bois, à peindre, à chanter, à jouer du saxophone, à faire des maquillages artistiques, et encore bien d’autres choses. Ma formation (scolaire) a suivi aussi mes intérêts sans trop que j’y pense, tout s’est enchainé sans problème et chaque année d’étude m’apprenant de nouvelles choses passionnantes, je me suis donc laissée portée par ce qu’on me donnait.
Je suis ainsi arrivée au sein de la formation Arts et Technologie de l’Image dans laquelle j’ai pu apprendre de nouveaux outils qui m’ont permis d’exprimer ma créativité de manière plus (…) numérique. Ce bain “technico-artistique” m’a éveillé, si je puis m’exprimer ainsi, et la quête de « MA passion » a abouti quelque part. Le champ de mes intérêts venait donc tout naturellement de se limiter à cela : la création numérique. Cependant alors que je pensais justement arriver à mes fins, je me rendis compte que cette passion que je m’étais trouvée était un champ tellement grand que je me retrouvais encore une fois à papillonner d’un sujet à un autre (même si c’était au sein du même thème). Je n’ai pas pu me résoudre à me spécialiser j’ai donc touché un peu à tout comme à mon habitude. J’ai appris des logiciels, j’ai fait de la modélisation 3D, du rendu, de la programmation, etc.
Puis une envie irrésistible de créer des liens entre ce que je venais d’apprendre et certaines de mes passions éphémères du passé m’a poussé à me renseigner sur les procédés d’adaptation. Comment parvenait-on avec plus ou moins de génie à transformer un chef-d’oeuvre de la littérature en une pièce de théâtre contemporain, comment mettre en place un jeu issu d’un grand film, etc. Je me suis ainsi intéressé, non plus seulement aux sujets, mais à leurs liens, au passage d’une chose à une autre, à la mutation d’un genre à un autre. Et ce qui est étrange c’est que plus je m’informais sur ces choses, plus je retrouvais mes anciennes « passions » et je me suis soudain rendu compte que je n’étais pas une pauvre âme sans passion qui par manque de constance change toujours d’intérêt, mais simplement une personne dont les centres d’intérêt se trouvent être dans le domaine de l’art sous plusieurs formes. Ce qui m’intéresse c’est l’art multiple, cet art mouvant qui prend tour à tour plusieurs formes. Et c’est alors que j’ai découvert le cross-média et plus particulièrement le transmédia. Je trouvais mon Graal : une histoire, avant toutes choses, qui se raconte par le biais de plusieurs arts. Voici ce que je vois dans le transmédia qui me fascine. Cette pluralité des supports, des formats, des genres qui s’associent enfin pour nous conter une même histoire.
J’ai découvert que depuis tout ce temps, ce que je cherchais c’était une manière de jouer, de raconter, d’exprimer un univers, une envie, en mettant en jeux plusieurs formes artistiques, plusieurs supports à la fois. J’ai donc décidé presque malgré moi de mener ma recherche sur ce sujet. Lorsque je dis « malgré moi », cela signifie simplement « comment aurais-je pu choisir un autre thème? ». Avec le recul, ce sujet que j’ai choisi est un choix tellement évident, naturel et logique par rapport à tout ce qui m’a toujours intéressé que cela me donne envie de croire que dans une recherche on part, au fond, en quête de quelque chose de personnel, de cohérent, qui s’inscrit dans toute la ligne des envies ou des créations qui anime notre esprit. C’est ainsi que sans se forcer, on trouve son sujet, sa « passion ».
Évidemment, mes recherches me trainent et m’entrainent vers de nombreux questionnements que je souhaiterais exposer ici sur ce site. Raison pour laquelle j’ai pris la décision (poussée par un vil incitateur) de poster tous les lundis un petit article d’une vingtaine de lignes sur mes réflexions à propos de cette recherche portant sur le transmédia et le cross-média.
Pour le moment, en tout cas ;)
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