Tout comme le transmédia à média maître inaltérable, ce transmédia déploie la trame narrative principale sur un seul média (le média maître). Cependant, dans ce cas, les dérivés de l’histoire et de l’univers appliqués sur d’autres supports peuvent avoir des influences sur le média principal. C’est-à-dire qu’un fait ou un évènement relatif à un média secondaire peut apparaître dans le scénario du média maître. Cela permet aux auteurs de jouer à faire interagir entre eux des médias différents, mais porteurs de la même histoire. Le scénariste, par exemple, pourra, dans un épisode du média maître, faire allusion à un fait (évènement, incident de fiction) qui a été créé sur un média secondaire par un autre scénariste ou par le public. En effet dans ce genre de transmédia, il arrive très souvent qu’un des médias secondaires soit directement lié aux réactions du public. Ainsi le spectateur pourra indirectement (via un média secondaire) avoir une influence sur sa fiction préférée.
La structure de cette catégorie de transmédia pourrait être représentée par le schéma ci-dessous :
C’est le cas du transmédia « Sofia’s Diary »1, qui propose au public de suivre la vie et les problèmes de Sofia, une adolescente de dix-sept ans via le réseau social Bebo et une série (web et TV). D’autres médias intégrés à la fiction (magazines, sites internet, etc.) complètent l’univers de « Sofia’s Diary ». Ce transmédia plein de dilemmes amicaux et amoureux a pour média principal la série : c’est celui qui offre au public la trame principale de la fiction. Or, dans cette série, le public est amené à conseiller Sophia sur ses choix notamment en lui envoyant des textos, ou en laissant des commentaires sur le réseau qui seront pris en compte dans la suite de la série. Ainsi chaque spectateur aura la sensation de faire partie de la fiction.
L’intervention du public crée des rétroactions narratives entre un support et un autre et potentiellement entre un support réel (une rencontre de fan par exemple) et un univers virtuel persistant (le MMORPG), car les deux supports (réel et virtuel) appartiennent à une même fiction. Cela offre au spectateur un pouvoir d’action non négligeable sur la fiction qui lui donnera la sensation d’y être intégré. Il en résultera une sensation de réalité : « si mes actions réelles ont des conséquences sur les choix de mon héros, alors celui-ci semble alors vrai. »
La possibilité de rétroactions narratives des médias secondaires vers le média maître engendre certaines difficultés organisationnelles et narratives que nous détaillerons dans une partie ultérieure.
Ces transmédias sont plus difficiles à mettre en place, car ils demandent un effort de synchronisation supplémentaire entre les différents médias, de plus, ce type de rétroactions peut fragiliser la cohérence narrative du transmédia. Cependant, ils semblent offrir des possibilités de créations nouvelles notamment par les jeux narratifs réalisables entre les différents médias. De plus, lorsque l’influence des médias secondaires sur le média principal inclut des actions du public, on y entrevoit peut-être une nouvelle interactivité entre une fiction et son audience. Ce qui amènera Romain Gandia à définir cette forme de fiction « cross-média par interaction »2.
Notes ________________
1Nuno Bernado, Sofia’s Diary, transmedia, 2007 (http://www.bebo.com/sofiasdiary) . Pour plus d’information voir aussi : BeActive Entertainment, « Sofia’s Diary, » beactivemedia.com, 2012, http://www.beactivemedia.com/tv-film/sofias-diary/. Lisa McGarry, « Sofia’s Diary On Bebo Gets 5 Million Viewers In Two Weeks!, » unrealitytv.co.uk, 2008, http://primetime.unrealitytv.co.uk/sofias-diary-on-bebo-gets-5-million-viewers-in-one-week/.
2Il a présenté ce terme lors d’une de ses interventions à la formation Arts et Technologie de l’Image de l’université Paris 8.